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Rennes, terre de culture scientifique

RENNES, VILLE UNIVERSITAIRE

Une terre de recherche et de culture scientifiques

par Jacques Rolland dans ATALA n° 4, «La culture scientifique», 2001

 

Appuyée sur une forte tradition universitaire, et forte de 58 000 étudiants,

deux universités, une vingtaine de Grandes Écoles et instituts,

Rennes fait figure de grand centre universitaire.

Ville universitaire au sens estudiantin du terme, Rennes bénéficie

d’un potentiel de matière grise qui lui permet d’être le pôle le plus

important du Grand Ouest dans le domaine de la recherche scientifique

et technique.

Dans un premier temps, nous nous attacherons à comprendre, par

l’histoire, comment les liens se sont tissés entre la ville et le monde universitaire.

En un second temps nous examinerons les données

« objectives » qui situent Rennes parmi les grands centres universitaires.

Enfin, pour terminer, nous évoquerons les retombées de tous ordres et,

en guise de conclusion, nous décrirons les axes de continuation d’une

politique qui devrait dans les années futures conforter cette dimension

universitaire de l’agglomération rennaise.

Du XVIIIsiècle à nos jours

Un survol de l’histoire de Rennes nous montre qu’historiquement les

fonctions intellectuelles ont toujours dominé et donc forgé l’âme de

Rennes.

Le Parlement est d’abord un foyer culturel et intellectuel autant que

politique. Rennes vit par et pour ces fonctions et cela touche toute la

ville. Les manifestations qui suivent la fermeture du Parlement sous

l’ancien régime (affaire La Chalotais) ne défendent pas les juristes pour

eux-mêmes mais parce que c’est toute l’économie locale qui est touchée

et qu’une multitude de métiers sont atteints. À ce propos relevons

qu’à la question posée par l’agronome anglais, en visite en Bretagne en

1788, Arthur Young : « Pourquoi le peuple peut-il aimer le Parlement ?

c’est ce que je ne puis comprendre, puisque ses membres sont tous

nobles, et que la distinction entre noblesse et roturiers, n’est nulle part

plus forte, plus offensante et plus abominable qu’en Bretagne », le procureur

syndic (équivalent du secrétaire général actuel) de Rennes

répond indirectement en constatant : « Rennes ne se soutient que par

l’établissement du Parlement, par les dépenses qu’y font les plaideurs.

C’est ce qui fait vivre une multitude innombrable d’anciennes familles.

Près des sept huitièmes de ses habitants seraient réduits dans une extrême

misère par la désunion de composition ou translation du Parlement

qui a été confirmé dans ses immunités… »

Aujourd’hui, de la même manière, le monde universitaire de Rennes

« porte », pour une grande part, l’économie rennaise comme le faisait

hier le monde administratif et politique.

Ajoutons le fait qu’à cette époque il n’y a pas séparation entre les

différentes activités intellectuelles et que, particulièrement au XVIIIsiècle,

tout intellectuel « touche » à tout. Les fabuleuses collections scientifiques

rennaises sont dues notamment au Président du Parlement de

Robien !

Enfin la présence du Parlement « rassemble à Rennes en grande partie

ce qu’il y a de plus éclairé dans la province tandis que Nantes s’attache

beaucoup plus au commerce qui y fait tous les jours de nouveaux

progrès qu’à l’étude souvent stérile des lois de la jurisprudence ». Ce raisonnement

conduit à un partage des tâches entre les deux villes : à

Nantes le commerce maritime et les industries induites, à Rennes ce que

nous appellerions le tertiaire supérieur. Cela se passe dans les années

1720-1730 : le Maire de Nantes propose le transfert de l’université de

Nantes (la faculté de Droit) vers Rennes en des termes très clairs : « Il y

a quelque apparence que l’université de cette ville sera transférée à

Rennes ; j’avoue franchement, Monsieur, qu’elle sera mieux placée à

Rennes capitale de la province et pays de lettres, qu’à Nantes où on ne

respire que le commerce… »

Les universités, abolies en 1793 par la Convention, sont instituées à

nouveau en 1808, le principe étant qu’elles le seraient dans les villes

sièges d’une cour d’appel. Or à Rennes le Parlement est justement remplacé

par une cour d’appel : ainsi Rennes devient-elle siège d’une université

mais, en 1808, avec seulement le Droit, puis, en 1815, les Lettres.

Reste, pour ce qui nous intéresse plus spécialement ici, les Sciences.

C’est en 1840 que la Faculté des Sciences de Rennes est officiellement

créée. Il s’agit d’une seconde création, car, dès 1808, un décret

impérial la crée officiellement. Malheureusement ce décret n’avait pas

reçu, pour Rennes, d’exécution.

Deux éléments essentiels sont à son origine : d’une part, la présence

d’une importante collection et d’autre part, l’émergence d’idées nouvelles

sur l’enseignement. Ajoutons que déjà les édiles municipaux sont

acquis à l’intérêt pour la Ville d’avoir un système universitaire développé

et complet. Le gouvernement, en plus des collections, souhaite que

des serres botaniques soient installées ; la Ville y répond favorablement

et c’est ainsi que se construisent les serres, la roseraie et l’orangeraie du

Thabor. Dans le même esprit d’intérêt pour la diffusion scientifique, la

ville crée un musée géologique qui devient l’un des plus remarquables

du pays.

Cette faculté des sciences située au coeur des départements de

l’Ouest représente un débouché aux écoles secondaires médicales de

Rennes, Nantes, Angers, Poitiers pour le grade de bachelier ès sciences.

Rennes cherche également à développer son économie : contrairement

à Nantes, la ville reste dominée par la propriété rurale. D’abord capitale

administrative, sa population est composée de fonctionnaires, de membres

des professions libérales, de commerçants et d’artisans. Pour certains,

le développement du pôle universitaire apparaît comme le seul

élément possible de prospérité.

Rien d’étonnant donc si, malgré des heurts avec la ville de Nantes

qui s’intéresse médiocrement à la faculté des sciences, mais tient à la

médecine, Rennes est finalement choisie. La classe dirigeante de sa

population se fait le soutien du projet et le conseil municipal s’engage

à fournir local, mobilier, collections…, conditions préalables à la décision

ministérielle. Créée le 12 septembre 1840, la Faculté des Sciences

répond au développement de la science et à l’existence d’une population

scolaire sans cesse croissante, qui jusqu’alors doit s’expatrier vers

d’autres régions pour trouver une structure universitaire. Mais contrairement

aux souhaits du Ministre de l’Instruction publique, Victor Cousin,

les cours ne commencent qu’à la rentrée de 1841, l’aménagement

du local prévu à l’Hôtel de Ville n’étant pas achevé.

Cette anecdote étonne toujours : les premières années de son existence,

la faculté de sciences est installée dans l’aile nord de l’Hôtel de

Ville ; l’actuel bureau du Maire en est le « grand amphithéâtre ». Il est de

taille modeste mais il n’y a alors, et cela va perdurer longtemps, qu’une

dizaine d’étudiants… De 1840 à 1900, trois thèses y seront soutenues !

Bien entendu, la ville s’engage à construire un « palais » plus adapté

et, après bien des vicissitudes, le Palais Universitaire, construit en grande

partie dans le lit de la Vilaine dont le cours vient d’être rectifié par

la construction des quais, commence à accueillir la faculté des Sciences

en 1854-55. (C’est l’actuel Musée de Bretagne-Musée des Beaux Arts.)

Dans ses débuts, elle est médiocrement installée et ses réclamations

restent vaines. Pourtant, à la suite des revers de 1870-1871, le besoin

général d’instruction à tous les degrés se fait vivement sentir. L’enseignement

supérieur, absolument négligé et même suspect sous le

Second Empire, se relève rapidement. En effet, les programmes de

l’enseignement secondaire, profondément modifiés, déterminent de

nombreuses jeunes personnes à venir demander aux facultés le grade

de licencié ès sciences qui n’était que peu recherché jusqu’alors.

Dès lors, il faut trouver pour cette nouvelle clientèle les locaux

nécessaires aux travaux pratiques. L’État donne à la faculté des Sciences

des crédits considérables pour augmenter ses moyens de travail. Ainsi

des projets d’agrandissement sont sérieusement étudiés mais les modifications

de 1876 ne sont qu’un palliatif momentané et la seule amélioration

réelle demeure la création de la galerie d’anatomie comparée.

Rapidement, les hangars et les anciens laboratoires deviennent absolument

insuffisants et quelque vaste qu’il soit, le Palais Universitaire ne

peut plus se prêter à de nouvelles transformations qui pourraient gravement

compromettre les autres services qu’il abrite.

La construction d’un nouveau bâtiment est entreprise sur la rive droite

de la Vilaine (actuelle place Pasteur), et est achevée en 1896. La

même année une loi groupe les facultés rennaises en université, administrée

par un conseil sous la présidence du Recteur de l’Académie de

Rennes et dotée d’un budget particulier. Cette réforme vaut à celles-ci

la visite du président de la République, Félix Faure. Cependant, les services

de la faculté des Sciences se développent plus vite que prévu et,

dès 1897, plus de 100 étudiants sont inscrits en première année. Des

annexes sont alors ajoutées : en 1903 pour les travaux pratiques de biologie

et en 1928 pour le laboratoire de chimie appliquée.

L’année 1896 est aussi celle de l’installation route de Saint-Brieuc

d’une École agronomique venant de la Loire-Inférieure, plus précisément

de Nozay, où elle a été créée en 1830. Ainsi un siècle et demi

après, Nantes perd à nouveau un établissement au profit de Rennes.

Pendant l’Occupation, les divers bâtiments universitaires sont épargnés

mais le 4 août 1944, à la libération de Rennes, les Allemands font

sauter les ponts ; l’immeuble de la place Pasteur est fortement ébranlé.

Au cours des années suivantes, avec l’aide de l’État et de la Ville, les

laboratoires sont peu à peu restaurés ; de plus, des dons généreux de

l’UNESCO permettent de renouveler une partie du matériel. Néanmoins,

les conséquences socio-économiques de l’après-guerre se font

déjà sentir et la faculté se voit contrainte de déménager une nouvelle

fois pour s’installer définitivement sur le Campus Scientifique de

Beaulieu !

Sans doute espère-t-on mettre fin à cette remarque faite au début du

siècle : « Pendant près d’un siècle l’Université de Rennes a été comme

une personne vigoureuse grandissant trop vite dans des vêtements étriqués

dont il lui fallait se contenter… » C’était ne pas compter sur la formidable

explosion démographique étudiante des années 80-90 !

Voulu par les responsables politiques de la Ville, le développement

des activités scientifiques permet à la ville, et au-delà à la Région tout

entière, de bénéficier d’une culture scientifique et d’une démarche

imprégnée des méthodes de travail des scientifiques.

Il n’est pas anecdotique de constater que, depuis le milieu du XIXe

siècle, des scientifiques siègent au conseil municipal de la Ville, Yves

Milon cumulant même de 1944 à 1953 les fonctions de Maire et de

Doyen de la faculté des sciences. Par ailleurs, ces scientifiques impliqués

dans la vie locale apportent une contribution à caractère

scientifique ; ainsi le chimiste F. Malaguti accélère la modernisation de

l’agriculture bretonne en publiant un traité de chimie agricole à l’usage

des écoliers de Bretagne ou encore, avec le géologue Massieu, il convainc

le conseil municipal de Rennes de capter les eaux près de Fougères.

Et, actuellement, quel est le dispositif universitaire rennais ?

C’est dans la tradition universitaire locale ancienne, que nous venons

d’évoquer, que se situe l’origine du dynamisme du pôle d’enseignement

supérieur rennais. Implantées de longue date dans la ville, les universités

rennaises, puis les Écoles supérieures ont très tôt développé leurs

laboratoires de recherche. C’est un avantage notoire sur d’autres villes

constituées plus tardivement en pôle universitaire comme Angers, Brest

ou Nantes.

En effet, si la raison d’être des établissements universitaires dans le

sens le plus large est la formation, leur identité, leur force, leur rayonnement

reposent sur les activités de recherche.

Le système rennais de recherche publique se structure institutionnellement

en deux grandes catégories : les laboratoires des établissements

d’enseignement supérieur et les centres de recherche publique, liés ou

non aux grands organismes de recherche. Au total, on dénombre 130

unités de recherche.

Par delà ce chiffre, la dynamique de la recherche se lit aussi au travers

des structures diverses (instituts, fédérations…) qui regroupent

plusieurs de ces unités de base et qui dénotent très souvent le souci de

développer une recherche pluridisciplinaire et des partenariats forts, au

niveau national et international.

La qualité du dispositif peut, elle, se mesurer au travers des reconnaissances

accordées à ces équipes. Sur les 130 laboratoires, 54 bénéficient

d’une reconnaissance par un grand organisme de recherche.

En ce qui concerne les personnes, nous arrivons à 2 700 chercheurs

à temps plein (en valeur pondérée selon le principe habituel qu’un

enseignant-chercheur ne compte que pour un mi-temps en recherche).

Autre élément d’études permettant de situer la recherche rennaise,

c’est celui des disciplines. Même si les classifications ne sont pas toujours

aisées, nous pouvons faire le constat que 10 des 12 départements

scientifiques pédagogiques et techniques identifiés au plan national

sont représentés à Rennes.

Bien entendu le quantitatif ne peut prétendre à faire de Rennes un

centre de recherche. Il ne suffit pas d’avoir un grand nombre d’équipes,

cela peut même, lorsque l’on atteint une parcellisation excessive, être

contre-productif. Le grand nombre d’unités dans tel ou tel secteur peut

être davantage le signe d’une grande dispersion des équipes concernées

plutôt que celui d’une priorité de la recherche rennaise. C’est le

cas du secteur biologie, médecine, santé ; c’est aussi le cas du secteur

agronomie où certaines équipes ne dépassent pas cinq personnes.

Inversement les sciences de la matière et les sciences et technologie

de l’information constituent des pôles dominants dont ne rend pas

compte le nombre d’unités, au contraire. Le secteur « informatique et

télécommunication » en trois organismes (CELAR, CCETT et IRISA) concentre

plus de 1 500 personnes dont la moitié de chercheurs enseignants

ou chercheurs ingénieurs.

Très succinctement, nous pouvons dire que deux disciplines, les

sciences de la terre et de l’univers et les mathématiques, sont représentées

à un niveau d’excellence, que les sciences de l’ingénieur sont en

pointe notamment par l’informatique et les télécommunications et que

des pôles comme la mécanique et le génie des procédés sont en émergence.

Incontestablement, en matière de recherche scientifique, Rennes est

le pôle régional au sens du Grand Ouest, mais il ne faut se faire aucune

illusion. Cette activité ne se mesure qu’à l’échelle nationale et internationale

et là les indicateurs de toute nature nous incitent à la modestie :

qu’il s’agisse du nombre de thèses, de publications scientifiques, du

dépôt de brevets, nous nous situons toujours entre les huitième à douzième

rang des métropoles françaises. Ainsi pour ne prendre qu’un

exemple, en ce qui concerne le nombre de personnels travaillant dans

le secteur « recherche-développement », nous sommes neuvième.

Hors du domaine strictement universitaire et académique la ville de

Rennes a marqué, au cours des dernières années, son intérêt pour les

activités scientifiques à travers la mise en place de la technopole

« Rennes-Atalante » d’une part et l’« Espace des Sciences » d’autre part.

« Rennes-Atalante », lancée en 1983 par le District de Rennes se donne

pour objectif de créer les synergies utiles entre les mondes scientifique

et industriel et de faciliter les innovations et le développement du

tissu économique. De succès en succès, on peut dire que Rennes-Atalante

se situe parmi les toutes premières technopoles de France au côté

de celles de Grenoble ou de Sophia Antipolis.

L’« Espace des Sciences » a été créé à la même période sous l’appellation

de Centre de Culture Scientifique, Technique et Industrielle (CCSTI),

avec pour objectif, largement atteint, de diffuser auprès du grand

public l’état de nos connaissances scientifiques et techniques.

En 1999, près de 60 000 personnes ont participé à au moins une activité

de l’Espace des Sciences à travers 1 300 animations, sans compter

les 40 000 visiteurs de son site internet.

Les retombées : de quels ordres ?

Classiquement, pour toute action locale, on tente, pour la justifier ou

pour la stopper, de mesurer les retombées économiques, sociales, culturelles

ou politiques. En termes modernes et scientifiques, cela s’appelle

évaluer l’action.

Tous les indicateurs montrent de manière éclatante l’impact en termes

économiques de la présence d’activités de recherche scientifique.

On peut, par exemple, estimer à près de 20 000 le nombre d’emplois

liés, directement ou indirectement, à la fonction universitaire au sens

large. Il faut y ajouter le fait que ces emplois sont relativement stables

et plutôt situés vers le haut en ce qui concerne le niveau des rémunérations,

ce qui en accentue le caractère bénéfique sur l’ensemble de la

vie économique locale.

Sur le plan culturel, il est évident que la présence importante de

 chercheurs, cadres et techniciens de haut niveau et de formation scientifique

offre des possibilités d’activités culturelles importantes. Le succès

de l’Espace des Sciences est aussi lié à cette présence d’un tel public.

Demain, quelles perspectives ?

Être ainsi centre reconnu c’est bien. Mais en ce domaine, plus que

dans tout autre, qui n’avance pas recule, les responsables politiques de

Rennes et de son agglomération, de la région toute entière en ont toujours

eu l’intime conviction. Rien de plus naturel donc que de les voir

aujourd’hui élaborer des projets ambitieux pour les décennies qui viennent.

C’est ainsi que le quatrième plan de développement de l’agglomération

rennaise (pour les années 2000-2006), qui vient d’être adopté par

la communauté d’agglomération, est marqué par la place de la connaissance

et tout spécialement celle d’ordre scientifique et technologique.

En effet, qu’y trouve-t-on ?

Tout d’abord, de manière très claire, dès les premières lignes de

l’introduction du Président de la Communauté, maire de Rennes,

Edmond Hervé, cette affirmation forte : « Quels sont les piliers de ce

développement que nous voulons durable ? La connaissance demeure la

première des richesses. Nos premières priorités concernent donc la formation,

la recherche, le transfert technologique, l’innovation, la diffusion.

Ce qui comptera de plus en plus, ce sera la qualité des personnes,

leur capacité à bénéficier d’une éducation permanente utile. Et non plus

comme hier l’abondance d’une main-d’oeuvre bon marché. »

Et puis, conséquence logique de cette affirmation, placé comme premier

axe, parmi les huit axes de développement proposés : celui de

« l’inscription de l’université et de la recherche sur la carte

européenne ».

Pour y parvenir les efforts tendront à une amélioration du dispositif

rennais de recherche scientifique, cela notamment en favorisant la

transdisciplinarité — car les productions scientifiques fructueuses se

font très souvent aux interfaces disciplinaires —, en favorisant le rajeunissement

des équipes de recherche et en attirant ici à Rennes des jeunes

talents. Cela ne sera pas facile, tant la concurrence est vive en ce

domaine : raison de plus pour y travailler.

Par ailleurs, pour développer les synergies entre recherche et monde

économique, les efforts en direction de la technopole Rennes-Atalante

seront décuplés. Elle doit en particulier être dotée d’une Maison de la

Technopole, ce qui ne peut qu’accroître les services qu’elle rend pour

attirer et retenir les entreprises de haute technologie, véritable moteur

de l’économie rennaise.

Enfin, parce qu’il ne servirait à rien — il pourrait même, peut-être,

être dangereux — de créer des connaissances scientifiques sans relation

avec le public, les instances de la communauté d’agglomération se

donnent aussi comme objectif le développement des activités de l’Espace

des Sciences. Ainsi celui-ci aura-t-il toute sa place dans le Nouvel

Équipement Culturel, au côté de la bibliothèque et du musée.

Autre grand projet touchant la diffusion scientifique, la remise en

valeur des formidables collections botanique et zoologique de Beaul-

lieu, qui pourraient redevenir, dans un contexte tout différent, un élément

essentiel, comme au XVIIIsiècle, pour attirer vers les sciences,

susciter des vocations.

De manière plus générale, il s’agit de faire partager par l’ensemble

de la population les connaissances scientifiques, de donner accès au

plus grand nombre au monde de la science. Cela passe bien entendu

— et c’est le travail de l’Espace des sciences — par les classiques conférences

et expositions ; cela passe aussi par des activités de découverte

scientifique dans les écoles, primaires notamment, et c’est là le travail

des ateliers découvertes que la Ville met en place en dehors du temps

scolaire.

En effet, ne l’oublions pas, aujourd’hui nous vivons une époque

« baignée par l’activité scientifique » et en même temps une époque qui

doute face à la science. Il n’est pas de jour, à Rennes, sans que les entreprises

n’évoquent leur difficulté à trouver ingénieurs et techniciens de

haut niveau. Puissent les efforts des uns et des autres en faveur d’une

véritable culture scientifique contribuer à mettre fin à cette situation.

Il reste, et cela appelle débat, la grande question pour un responsable

politique, du recul d’un certain rationalisme et du raisonnement

scientifique. Cela conduit à des attentes, à des demandes non fondées,

à un développement de la peur, à la recherche illusoire du risque zéro,

démenti même de la vie, à l’application du principe de précaution qui

n’a rien d’un principe et qui apporte peu de précaution. Cet irrationalisme

conduit à une utilisation de normes sans fondement qui, orchestrée

médiatiquement, crée des événements dits « de crise ».

Qu’on lise de manière scientifiquement critique ce qui s’écrit sur la

qualité de l’eau, de la viande, de l’air et l’on comprend qu’il y a une

perte de confiance dans la capacité et dans la pensée humaines. C’est

pour cela qu’il convient, sous toutes les formes possibles, de développer

la culture scientifique, élément essentiel pour une véritable démocratie

fondée sur la participation des citoyens « instruits » au sens le plus

profond du terme.

La création scientifique qui néglige, comme elle a pu le faire ces dernières

décennies, la diffusion et le développement d’une véritable culture

scientifique pour tous peut avoir le sentiment d’efficacité ; à terme

il ne s’agit que d’une illusion, car, ainsi coupée de l’ensemble de la

population, elle se verra rejetée, ce qui n’est bien évidemment pas

l’objectif de celles et ceux, scientifiques et responsables politiques, qui

oeuvrent pour le bien de tous.

Jacques Rolland

ATALA n° 4, «La culture scientifique», 2001

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